ces coups de sang

Ultra complexée par mes bras peu musclés, peu fuselés, mais velus tels des pattes d'araignée... j'avais pour habitude de porter un éternel pull col roulé aux manches longues évasées.

Jusqu'au jour où...ma collègue au décolleté éloquent et au bras de danseuse étoile s'est approchée, pour me demander ce que je faisais dans une tenue d'hiver par une chaleur d'été.....

- Je n'ais pas trop chaud, et puis, il faisait plutôt frais ce matin!

- Mais regarde-toi, tu ruisselles !  Ton front perle tel un déménageur en plein effort ...et puis la transpiration.... ce n'est pas très plaisant...enfin...tu me comprends... me fait-elle en esquissant un battement « d'ailes » digne de « la mort du cygne » par étouffement.....

- Je n'ai rien d'autre en-dessous...je ne peux tout de même pas....

- Enfile un tee-shirt de la « boite », par ce temps là, personne ne t'en voudra.....

Et voilà...là s'en était trop....De quoi elle se mêlait la petite mijaurée,  avec ses tenues de ballerines... En guise de tee-shirt, c'est un rôle sur mesure que je m'apprêtais à enfiler, juste pour une représentation ...

- Très bien, je vais t'expliquer la cause de ma tenue toujours « couverte », mais je compte sur toi pour ne pas divulguer à tout le service mon histoire....

Ca s'est passé voilà deux ans maintenant....

Je faisais du VTT pendant les vacances de Pâques, dans les bocages normands (C'est une parisienne... il fallait faire exotique !!!)....

Dans un virage j'ai chuté avec une violence inouïe, ils ont dit que sans doute, des petits plaisantins avaient  tendu un fil juste pour voir... Bref, la blessure s'est avérée vilaine...vraiment très mauvaise..... Tout s'est passé très rapidement ... Ils ont monté un « hôpital de campagne », et face à l'urgence de la situation,  ils ont dû me greffer la peau d'une vache qui ruminait dans le pré voisin...

-  NOOOOONNNNNNN     c'est dingue ?!!!!!!

- Je sais.

C'est difficile à croire....C'est aussi pour cela que j'évite de trop en parler.... Cela dit, j'ai eu de la chance,  finalement cette peau s'est parfaitement adaptée à mon cuir personnel...je dois juste veiller à boire un verre de lait à chaque repas pour ne pas risquer le rejet...

Le problème....c'est que c'est une peau non travaillée....elle n'a pas été rasée...ni affinée, le grain est épais et les poils marrons et blancs repousseraient plus durs si je me mettais à vouloir les couper..... D'où les manches longues !

- Tu n'as jamais songé à te faire « regreffer » dans un hôpital moderne ?

- Ah quoi bon ???

Marguerite, Noiraude ou quelque soit son nom... Une pauvre bête est morte pour me laisser sa peau... Je m'en voudrai d'en être la cause, juste pour du « transitoire » !!!

- J'comprends... me réponds la ballerine, avant d'ajouter...Et bien, tu récupères sa peau et tu en fais un sac à main !!!!

- Tu as raison.....un sac à main en peau de MOI !!!!! . Je te rappelle qu'il s'agit tout de même de la peau de mon bras !!!!! Répondis-je presque convaincue par ma propre histoire.

- Ce n'est pas simple, je te l'accorde, mais tout de même... Tu vivrais mieux, les bras à l'air par une chaleur pareille.....

Et que je te minaude, et que je t'explique la vie...Décidemment, elle m'agaçait «  la petite au bras fins ».... Il fallait que j'en vienne à bout, alors j'ai porté le coup de grâce :

- Ecoute,  je comprends que tu sois gênée pour moi...Cela dit... tout allait bien, ce midi, lorsque je chassais les mouches qui voulaient se poser sur ta salade, avec cette touffe qui me sert de cheveux et dont tu ne dis rien, juste parce qu'elle porte un nœud !!!!!!!

- Ah !!!!....parce que ???? (Là, elle était verte !)...

Et elle, de reprendre :

- Remarque entre nous,  c'est vrai que je t'ai toujours trouvé le cheveu terne .... ?! (Là, c'est moi qui étais verte !)

- Le cheveu terne ? Moi ? Non mais ça va !!!  Il faut que tu saches....non seulement ce sont mes vrai cheveux mais en plus...La seule vraie peau de vache ici .......c'est  TOI !!!!!

« La date de péremption était dépassée. » me répondit-elle d'un ton péremptoire.

Etait-ce une raison valable pour jeter au rebus toute mon histoire ?

A-t-on vu plus toxique pour la santé que cette personne qui prend des décisions à votre place, pour votre « bien », sans même s'être juste posée question, quant au fait qu'en chacun de nous, le « moi » qui sommeille est loin d'être le « sien » ?!

Elle avait placé, là, à l'endroit privilégié de ce vieux flacon de crème parfumé au relent de papier usé et de poussière qui m'était familière... un emballage neuf, au contenu blanc laiteux, sans aucune commune mesure avec l'ocre ambré, vieillissant, millésimé, de mon lait pour le corps que plus jamais, je le savais, je n'aurai pu utilisé.

Il est des dates de péremption qui n'existent que pour les autres... Est-il possible de donner une date de fin à notre histoire juste parce qu'elle a vécu plus de 7ans et qu'elle risque alors d'aborder un nouveau tournant ? Non !

Alors comment avait-elle pu juger, elle, de la nocivité de mon produit de beauté...lui en qui j'avais placé tant de choses autres que l'usage pratique que quiconque aurait su lui prêter ?

« Ici, chez moi, ta date de péremption est dépassée » lui répondis-je sans embarras.

Puis j'ai usé de sa crème neuve sans hésiter, après avoir bien vérifié la date sur le paquet....

Tu pourrais venir me chercher en roulotte façon «troubadour sur le retour » ; tu pourrais chercher à me rattraper à dos de poulet, en vélo ou bien chevaucher un attelage d’escargots « surentrainés »… ; tu pourrais faire tirer un char par 100 000 soldats, et m’offrir un château…

Je ne t’ouvrirai pas.

Tu pourrais transformer les citrouilles en carrosses dorés… m’offrir tous les rennes et le traineau du père Noël avec… me chercher en Rolls Royce ou conduire ta Bentley…

Tout cela n’y suffit plus…j’ai bien assez rêvé…

Tu es venu à moi en fiacre avec le sceau de roi, tu m’as fait part de tes desseins  avec diligence, et j’ai eu foi en toi.

Tu m’as même fait le coup d’la Wells Fargo : « j’attaque la diligence, je séduis la donzelle, j’ fais miroiter le magot… »

Arrête ton char !!! Je n’en peux plus !  Il n’y aura jamais assez de créatures pour tirer ta voiture…

Je te veux seul, à pieds…nus….comme il ne s’en fait plus. Tu fouleras la terre de tes pas jusqu’à moi, et c’est sans attelage que tu me trouveras.

Tes  sophistications me gâchent  tout le plaisir, les routes sont un dédale de sentiments, de bouchons inextricables, de communications qui ne passent plus…

Gare donc, là, ta charrue. Cette voie est sans issue !

 (écrit pour les impromptus- thème de la semaine: "la panne")

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