Le cerf et le veneur

Publié le par mapie


- Arrêtez donc cette bête! Il pourrait m’embrocher! Le veneur prit la fuite devant le cervidé. 
 

Les yeux plissés  sous l’effort et le visage strié par le fouet mordant des rameaux de sureaux  mélés de ronces, l’homme sautait dans les bois. Il était aux abois.

Sa tenue d’apparat, taillée sur mesure  et qui lui conférait l’élégance de l’uniforme à défaut  de l’élégance du coeur, venait à se teinter de terre et de verdure. Enfin, l’homme se fondait un peu dans la nature.

Des cerfs, des sangliers et autres lièvres le talonnaient . Une partie de la meute des chiens s’était jointe à la troupe. Infatigables, ils aboyaient et orientaient la course du chasseur traqué pour ne plus lui laisser de choix.
Il finirait acculé contre un arbre, entouré par les bêtes. Le stress , la terreur, et l’immense fatigue auraient raison de lui... 

Ils les imaginaient déjà, cruelles créatures , trinquant dans la clairière autour de sa dépouille... heureuses d’avoir coursé jusqu’à la fin un veneur pour le fun...

Il était bel et bien bête et se comportait comme un sauvage. Aussi commençait-il, à comprendre à quel art les animaux qui le coursaient se prêtaient eux aussi.

La vénerie ne met-elle pas en jeu les prédateurs face à une proie somme toute, suffisamment rusée, pour pouvoir parfois tout de même en réchapper?

 

Alors que la forêt  laissait place à la ville, il traversa la route et pris d’un fol espoir pénétra dans la gare... les cerfs et les lapins approchèrent  de lui, les sangliers méfiants patientaient dans les bois.


Abattu et prostré, le regard suppliant, le veneur  observa alors ses assaillants...

C’est  ici, sous les yeux des passagers hagards , et puis bien entendu du contrôleur de gare, que le cerf baissa les bois très doucement.

A la ramure  du cervidé, un trousseau argenté suspendu l’attendait.
Il semblait vouloir dire : « tête de gland, tu as perdu tes clés ».

L’homme les reconnu, les attrapa, se leva, tapa sa redingote et traversa la voie.
C’est l’air fier et altier qu’il se mit donc à déclamer: 

« Le plus naturellement qu’il soit, le chasseur chasse sa proie... la vénerie est noble , on ne chasse que du sauvage... au risque de malmener, il est vrai, parfois notre équipage ... mais tout est dans la beauté de l’acte... voyez comme sont ces bêtes... bons joueurs jusqu’au bout! Nous restons bons amis, la preuve en est... cet animal m’a gracié! »

Si l’animal est parfois sauvage, l’homme lui, peut être bête et souvent même capable des pires sauvageries.

 

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